Récits d'Autres Univers

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Fragments - Chapitre 2: L'Arène de la Mort

La télévision était allumée en continu depuis trois jours. Il l’avait allumée pour  couvrir le bruit de la pluie qui battait sur la fenêtre. La télécommande avait glissé sous le canapé alors il était juste sorti de l’appartement pour fuir les cris des spectateurs du match en cours. D’un mouvement souple il replaça sa capuche sur sa tête. Les rues grises étaient vides. Il n’y avait pas âme qui vive… Il soupira. Son souffle faisait des petits nuages de vapeur dans l’air moite. Il passa devant une façade éventrée et un sourire naquit sur ses lèvres. Tout était sans dessus-dessous ces derniers temps, et ce n’était pas pour lui déplaire… Les gens avaient si peur de mourir qu’ils allaient s’entasser par milliers dans des stades immenses, pour oublier que le ciel était en train de leur tomber sur la tête. Les épaules de Prime furent secouées par un rire amusé. Seul son dans la pénombre du soir, il se répercuta à l’infini contre les murs des rues désertes. Il jeta un coup d’œil à sa montre. Il ferait peut-être un tour au stade un peu plus tard… Ses jambes fines avançaient sans aucun effort ni volonté de sa part. Même vides, il n’aimait pas les grandes rues… Il bifurqua dans une minuscule allée. Oui, il se sentait mieux dans les endroits confinés.

 - Tu t’es perdu, mon frère ?

 Un jeune le regardait d’un air narquois, entouré par une petite bande. Tous armés de battes ou de barres de fer, ils le fixaient avec un air mauvais.

 - C’est notre territoire, ici.

 Prime soupira, leur retournant un regard vide d’expression. Sans sortir les mains de ses poches, il avança vers le groupe.

 - Dégage, sale punk !

 Un long sourire s’étira sur le visage lisse de Prime. Il restait trois mètres entre lui et le chef de la bande lorsqu’il s’élança. Un coup de genou cruel cueillit le leader au creux de l’estomac. Ses acolytes ne firent pas long feu, sans défense face à leur impitoyable adversaire. Prime poussa le corps meurtri de sa dernière victime sur le côté du bout du pied. Il avisa dans un carton, livré à lui-même et à l’averse, un petit chaton noir qui miaulait faiblement, frigorifié. Il l’attrapa par la peau du cou, le glissa sous sa veste, à l’abri du froid et de la pluie, et continua son chemin, écrasant au passage une main qui se trouvait sous son pied par hasard. La petite bête trempée tremblotait contre son torse. Il valait mieux rentrer… Il décida de faire un détour par l’épicerie. Un lourd tissu masquait la vitrine et une pancarte « Fermé » barrait la porte. Tenant précautionneusement le chaton contre lui, il se baissa et ramassa une pierre. Elle pesait dans sa main. Il frappa la vitrine près de la porte et passa le bras dans le trou pour tâter la serrure. Les clés étaient dessus. Il déverrouilla la porte, entra et déposa le chaton à terre. Aussitôt, la petite bête se blottit contre ses jambes. Il déambula un instant dans les rayons, avant de trouver ce qu’il cherchait. Il récupéra le chaton d’une main, attrapa trois paquets de nourriture de l’autre et ressortit, déposant le paiement sur le comptoir vide. La porte claqua dans le vent, restant désespérément ouverte. Prime remonta la rue et poussa la porte de son immeuble. Le couloir puait le sang et la crasse. Le concierge se curait habilement le nez, avant de s’essuyer sur son jogging sale. Il fit un petit signe à Prime qui s’aperçut à peine de sa présence. Il monta les marches poisseuses quatre à quatre, câlinant la tête mouillée de son protégé. Arrivé dans son appartement, il déposa le petit chat par terre et referma la porte. L’animal trottina derrière lui, miaulant doucement en apercevant le bol de nourriture que Prime déposait au sol. Il se précipita vers lui aussi rapidement que le permettait ses petites pattes. Le jeune homme s’observa dans la glace brisée de sa salle de bain. Ses lèvres fines, trop pâles, s’étirèrent largement en un sourire carnassier qui n’avait rien d’humain. Il était grand temps d’aller jouer… Il poussa lentement la porte de sa chambre. La pièce était vide de toute décoration et de tout meuble. Seul trônait en son centre un long siège de métal doublé de cuir. Le dossier, incliné vers l’arrière, était couvert d’électrodes. Une autre panoplie de ventouses sinistres recouvrait chacun des accoudoirs. Prime enleva son sweat, le laissant tomber au sol. Son jean sombre rejoignit un tas d’habits dans un coin de la pièce. Il se laissa tomber sur le siège, plaçant distraitement les ventouses sur sa peau blanche. L’habitude lui avait forgé une précision de fer. Il n’avait plus besoin d’y faire attention. Le petit chat vint ronronner à ses pieds mais il le vit à peine. Déjà une voix dans sa tête annonçait :

 

« Connexion au serveur en cours »

 

Il ferma les yeux.

 

« Connexion autorisée. Joueur : Prime. »

 

[…]

 

La foule retenait son souffle. Sur les écrans géants, une jeune fille brune, vêtue comme une poupée de porcelaine, avançait le long d’un couloir sombre, pataugeant dans les flaques rougeâtres qui imbibaient le tapis. Son visage, amaigri et pâle, était marqué par une terreur intense. Ses yeux, comme fous, scrutaient fébrilement la pénombre. Un mugissement sourd la fit sursauter et elle n’eut que le temps de se retourner vers son assaillant. Le coup l’égorgea net. Un rugissement ravi monta du public, accompagné de grands éclats de rire qui s’élevèrent de la foule en délire. Dans les sous-sols du Stade, à l’abri de la liesse générale, on extirpa précautionneusement le corps pantelant de l’adolescente de sa capsule d’isolation en verre et on la fit s’asseoir sur un banc froid. Du coin de l’œil, le regard vide, elle compta machinalement les capsules encore fermées. Trois. Il restait trois concurrents en lice. Un haut-le-cœur la souleva et elle vomit le contenu de son estomac  sur le carrelage blanc. Les docteurs la ceinturèrent : il fallait la préparer pour le second round. Une équipe d’aides sortit de sa capsule un autre candidat, qui hurlait à la mort en se lacérant le visage, en proie à une peur innommable. Il n’en restait plus que deux. Le plafond de la pièce vibrait du brouhaha constant de la foule. Une cloche stridente marqua la fin de la partie. La fille prit une grande inspiration, réajustant ses vêtements trempés. Elle but un verre d’eau qu’on lui tendait, sans aucune volonté. Les voix résonnèrent dans sa tête lorsqu’elle reposa un pied dans sa prison de verre. Elle était payée pour avoir peur. Payée pour mourir trois à cinq fois par jour, devant des milliers de personnes. Pour la énième fois de la journée, elle se demanda à voix basse :

- Pourquoi…

Un des médecins l’aida à prendre place dans son étuve de verre, enfermant solidement ses articulations dans des liens de cuir :

- Parce que les gens aiment ça, petite. C’est ce que la foule réclame.

Il avait raison. Le public adorait ce genre de spectacle. Elle tenta de reprendre son souffle une dernière fois. Elle avait besoin de cet argent. La salle peuplée de blouses blanches se brouilla et sa vision passa par un noir total avant que l’image d’un dortoir poussiéreux se forme sous ses yeux. Personne aux alentours. Son regard tomba sur ses pieds. Elle était pieds nus cette fois, mais toujours engoncée dans sa robe de poupée à volants pourpres. Son costume attitré. Elle surprenait toujours le public, bien peu de femmes osaient se lancer une telle carrière. Elle n’avait pas vraiment eu le choix, mais en vérité sa peau très pâle et ses grands yeux sombres avaient tout de suite séduit le public. Elle avait été immédiatement adoptée par les masses. Elle fit un premier pas sur le sol  crasseux. Le dortoir était l’un de ses lieux d’apparition les plus fréquents, et il valait mieux pour elle qu’elle ne traine pas ici… La règle du jeu était simple : tuer ou être tué. Si les blessures infligées ici ne s’imprimaient pas sur le corps réel, la douleur, elle, était bien présente. Certains en étaient devenu fou, d’autres en raffolaient. Elle s’empara d’un long bâton qui trainait sur le sol. Une voix métallique grinça dans l’air :

« Manche 2. Commencez. »

Aussitôt elle s’élança hors de la pièce. Le tapis suintait sous ses pieds. Le couloir était immense, seulement éclairé par quelques chandeliers brisés.

« Prime rejoint la partie. »

La petite brune en perdit l’équilibre. Prime, un des meilleurs joueurs du moment, avait été choisi pour leur mettre des bâtons dans les roues. C’était un véritable chasseur, connu pour sa patience et sa cruauté sans limite. En début de partie, le public lui choisissait une cible qu’il devait pourchasser. Et tuer.

« Cible désignée : MadDoll »

Elle se pétrifia. Une mèche de cheveux tomba devant ses yeux. Son visage avait repris une expression horrifiée. MadDoll, c’était elle… Elle reprit sa course, la peur lui donnait des ailes. Elle dévala les escaliers, forçant le tapis à vomir tout le sang dont il s’était imbibé. Comme vexé, le pan de tissu se redressa vivement, happant sa jambe et la tordant vivement. Elle dut se mordre le poing pour ne pas hurler de douleur. Quand ce n’était pas des montres tout droit sortis de l’esprit d’un dément  ou les autres joueurs qui tentaient d’avoir votre peau, la maison elle-même se faisait un plaisir de vous arracher les tripes. Un vrombissement soudain couvrit les gémissements de la fille et une tronçonneuse s’abattit sur le tapis, déchiquetant le tissu. La main du nouveau venu agrippa les cheveux de la fille-poupée pour la remettre debout. Sa force était telle que les pieds nus de la brune touchaient à peine le sol. Préférant fermer les yeux, elle retint sa respiration avec appréhension. Mourir au bout d’à peine cinq minutes, c’était son pire score… La tronçonneuse s’arrêta en crachotant. Une voix grave et froide trancha l’air :

- MadDoll ?

Elle déglutit et souffla, osant à peine soulever une paupière :

- C’est moi…

- Parfait, murmura l’homme dans un soupir.

La brune sentit ses pieds reprendre contact avec le sol brusquement. La tronçonneuse tomba à terre dans un bruit mat. L’homme encadra le visage pâle de la gamine de ses longues mains fines. Il semblait l’observer, sans savourer le moment, juste par simple curiosité. Sans aucun signe précurseur, il lui brisa la nuque d’un geste précis. Le corps sans vie de la jeune fille glissa sans bruit au sol. Prime récupéra son arme favorite, la calant nonchalamment sur son épaule :

- Suivant…

 

Dans les sous-sols du Stadium, le corps médical était en proie à la plus grande agitation. On avait allongé la jeune brune sur un brancard. Elle ne respirait plus. N’ouvrait pas les yeux. Une décharge électrique traversa sa poitrine, suivie par une deuxième, puis une troisième. A la quatrième, le médecin reposa le défibrillateur. Inutile d’insister. Ses aides jetèrent sans état d’âme un drap blanc sur le corps à peine tiède de l’adolescente. On en était plus à un joueur près et de toute manière, ils n’étaient bons qu’à ça. Sur les écrans géants, Prime continuait sa tournée meurtrière. Personne, là-haut, ne se doutait que MadDoll venait de jouer sa dernière partie. La mort d’un joueur n’arrivait que rarement et personne n’était jamais au courant. On se contentait de dire qu’il avait pris sa retraite, et tout le monde s’en contentait. Sous son drap blanc, la brune rouvrit les yeux. La douleur dans sa nuque était insoutenable, mais son corps avait imprimé la sensation des mains glacées de Prime sur son cou et c’était tout ce à quoi elle pouvait se raccrocher pour ne pas sombrer. Le brancard se mit à rouler. Ils la descendaient à la morgue… La mort d’un joueur arrivait si peu souvent qu’un tel évènement bouleversait tout le monde, tant et si bien que les médecins en oubliaient leurs réflexes les plus élémentaires. Comme prendre le pouls par exemple… Rien de plus simple pour un joueur suffisamment lucide que de se faire passer pour mort… Lorsque les blouses blanches eurent enfin quitté la pièce, elle repoussa le linceul qui la couvrait et s’assit. Inspira. Expira. Elle se prit le visage dans les mains et se recroquevilla sur elle-même. La sonnerie tinta dans le couloir. Encore quelques minutes et elle échapperait à la troisième manche. Elle devait échapper à la troisième manche. Elle ne devait pas participer. Elle posa ses pieds nus sur le sol froid. Elle était trempée de sueur. Sa main trouva d’elle-même la poignée de la porte de la morgue. Ses jambes la portèrent jusqu’à l’étage, où elle repassa sans bruit devant les médecins. Son corps se mouvait sans son accord. Elle avait besoin de continuer. Si elle s'arrêtait, tout serait terminé. Avec un soupir défaitiste, elle retourna dans son caisson étanche. Les sangles étaient abimées, elle avait dû se débattre énormément… Elle frissonna, jetant un regard au médaillon qui trônait au milieu de ses effets personnels. Elle eut un pauvre sourire vers les blouses blanches qui la regardaient d’un air ébahi. Un d’entre eux s’avança, écartant du bout des doigts les mèches collantes qui avaient glissé devant les yeux las de la jeune fille.

- Lola…

Elle le poussa du bout du pied et ferma les yeux. Elle les ré-ouvrit sur une pièce sombre et sale, dont les murs de pierre étaient maculés de sang poisseux. Elle soupira, constant qu’une nouvelle fois ses pieds étaient nus. Elle ne savait pourquoi elle accordait une si grande importance à ce détail. Le sol glacé et humide des caves rendait sa respiration malaisée. Un claquement derrière elle la fit se retourner. L’autre joueur la toisa un instant. Il avait à la main un long tuyau de métal noirci qu’il fit mine de brandir vers elle. Pour un peu elle en aurait ri. Son physique de poupée laissait toujours ses adversaires dubitatifs, ce qui lui laissait une longueur d’avance. Vive comme l’éclair, elle s’empara d’une bouteille de vin qu’elle lui brisa sur la tempe. Le temps qu’il reprenne ses esprits, elle s’était jetée sur lui et l’avait renversé à terre. Levant bien haut sa bouteille brisée, elle l’abattit de toutes ses forces sur la gorge offerte de son concurrent. Le flot de sang jaillit immédiatement de la blessure, maculant son visage à la peau de porcelaine de lourdes tâches carmin. Elle se releva sans un regard en arrière et ouvrit la porte du couloir.

[…]

« Manche 3. Commencez. »

 

Il entendait les hurlements de la foule autour de lui, à nouveau. Prime ouvrit les yeux en souriant. Il était assis sur un trône immense. Une tronçonneuse était posée sur une table basse près de lui. Une cour de poupées brisées couvrait le sol à ses pieds. Il les piétina sans y prendre garde, récupéra la tronçonneuse. Les poupées formaient un tapis sanglant jusqu’à la porte monumentale qui fermait la pièce. La salle du trône surplombait tout le château. Il resta là un moment, pensif. Les autres joueurs savaient qu’il était là. Il n’avait qu’à les attendre. Son sourire se fana, perturbé par un souvenir désagréable. La lourde porte de la salle s’ouvrit en grinçant. La tronçonneuse partit en avant sans même que Prime y pense. Un vieux réflexe. Le sang de son adversaire l’aspergea copieusement, tâchant un peu plus le visage autrefois pâle des poupées au sol. C’était chaud. Chaud et poisseux. Il adorait cette sensation, tout comme paradoxalement, elle le dégoutait plus que tout au monde. Essuyant du dos de la main le sang qui avait coulé sur sa bouche, il émit un léger rire :

 - Se servir d’un cadavre comme d’un bouclier… C’est bas.

MadDoll retint longuement sa respiration. Elle avait réussi à arriver jusqu’à lui. Son cou lui faisait encore mal et sa jambe se tordait douloureusement quand elle voulait presser le pas. Mais elle était là. Et c’était déjà un exploit. C’était la première fois qu’elle arrivait si loin… La salle du trône était bien plus grande que ce qu’elle imaginait… Des poupées, des pantins, déformés et figés dans des positions aussi atroces que grotesques, jonchaient le sol de la totalité de la pièce. Les murs, certainement de pierre, étaient couverts d’une épaisse bouillie rouge sombre qu’elle identifia comme étant du sang. Les coins de sa bouche se durcirent. Il fallait être vraiment dérangé pour passer les trois-quarts de ses parties dans cette salle, et Prime avait définitivement l’air dérangé… Quelques mèches de cheveux noires et grises dépassaient de sa capuche, poisseuses de sang coagulé. Il faisait trop sombre pour qu’elle puisse distinguer ses yeux. Ce qu’elle distinguait parfaitement, en revanche, c’était la tronçonneuse qu’il tenait d’une main. Cette tronçonneuse qu’il n’avait même pas daigné utiliser contre elle la première fois. Elle fit un pas en avant. Et lui de faire un pas en arrière, joueur. Plus elle avançait, plus il reculait, toujours hors de portée, avec cet intenable sourire malsain collé à ses lèvres. Il… s’amusait ? Les bougies éclairèrent enfin son visage de dément, et ses yeux se mirent à luire à la lumière. Cette expression ne pouvait pas être mal interprétée. Prime… riait… Il finit par buter sur le trône, et s’y assit simplement, la tronçonneuse sur ses genoux. Elle, MadDoll, avec sa ridicule bouteille brisée à la main, n’osait même plus avancer. Comment pouvait-il être aussi confiant ? N’avait-il pas peur de la douleur ? N’avait-il pas peur de mourir ? Au contraire d’elle, hésitante, il ne bougeait plus du tout, se contentant de la fixer, impassible. Toute trace d’amusement avait disparu de son visage. Maintenant il s’ennuyait. Cette gamine n’était pas l’adversaire qu’il souhaitait avoir. Trop sérieuse. Tellement d’émotions glissaient en même temps dans ses yeux… Désespoir, anxiété, hésitation. Mais aucune peur. Non, elle n’avait pas « peur ». Pas de la même manière que les autres. Une part d’elle trouvait tout ce qu’elle avait toujours voulu trouver dans ce carnage. Elle aimait ça, tout comme lui. L’ennui se transforma en colère. Comme lui ? Son arme émit un vrombissement agacé. Il se leva, las, et avança vers la jeune femme. La tronçonneuse fendit l’air devant elle. MadDoll recula précipitamment, tombant en arrière dans le tas de cadavres désarticulés qu’était le sol de la pièce. Prime haussa un sourcil surpris, et monta aussitôt debout sur le trône. Des mains décharnées s’accrochèrent au cou de la brune, l’attira plus profondément, entrant dans sa bouche, déchirant sa peau. La vue de Prime se brouilla. Il s’ébroua. Toutes les poupées tournèrent soudainement leur tête vers lui. La plupart n’avait pas d’yeux, et leurs orbites vides, d’où suintait un sang aussi noir que la mort, étaient fixés sur lui. Un frisson désagréable parcourut son dos. Il ignorait que le sol était vivant, ça ne lui était jamais arrivé auparavant. Une main pâle entoura sa cheville :

 - Maître… Mon maître…

Il posa l’extrémité de son arme sur le front abîmé de la poupée et démarra d’un coup sec. Le crâne de la marionnette explosa, répandant copieusement son contenu sur le siège royal et son occupant. La main se serra sur sa cheville et il l’envoya balader d’un coup de pied. Il balaya la salle des yeux. Le sol ondulait étrangement, prit de ce qu’on pouvait appeler un souffle de vie. Un bras, fraichement arraché à un corps, vola de la masse grouillante et finit sa course aux pieds de Prime. Les doigts morts étaient crispés autour d’un goulot en verre, seul reste de l’arme de MadDoll. Il soupira. Triste fin… Une autre main jaillit du sol. A la différence près que celle-ci semblait toujours attachée à son corps ce que Prime évalua comme étant un point positif. Elle se tendit vers le trône avec désespoir. Il s’accroupit, tendit les doigts vers elle. Dès qu’elle sentit leurs mains entrer en contact, MadDoll s’agrippa à lui de toutes ses forces. Il n’eut qu’à se relever pour la tirer hors de sa prison de cadavres. La jeune fille, pantelante, se laissa aller contre le dossier du siège. Il lui manquait un œil, et une partie de sa joue avait été emportée par les griffures. Prime la poussa du pied, se ménageant un espace de manœuvre confortable. Le sang de la brune coulait copieusement de son orbite vide, si bien qu’il se demanda s’il ne devait pas l’achever. Elle respirait difficilement, et crachota quelques bouts de chair qui lui obstruaient la bouche. La masse sanguinolente de pantins se pressa contre la porte, qui se ferma dans un craquement sinistre. Prime lâcha un soupir exaspéré, posant la tronçonneuse contre son épaule. Ce n’était plus drôle du tout.

 - Si tu veux que je mette fin à tes souffrances, c’est maintenant.

Comme la gamine ne répondait pas, il en conclut qu’elle devait déjà être morte. Se tournant vers elle, il s’aperçut qu’elle avait disparu. Disparu ? Les cadavres restaient généralement pour le reste de la partie… MadDoll n’était pas morte. On l’avait déconnectée. Prime grogna. Il y avait réellement un problème. Elevant la voix, il actionna la commande vocale :

- Clore séquence.

Une voix métallique, crachotante, lui parvint :

 

« ERREUR - DONNEES CORROMPUES »

 

Prime leva les yeux au ciel :

 - Et merde.

 

 



02/04/2013
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