Récits d'Autres Univers

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Fragments - Chapitre 4: Le guerrier venu d'ailleurs

Comme une éponge, la peau du petit brun s’était lentement gorgée d’eau et avait repris sa consistance normale. Le foulard, noué autour de son visage, continuait de l’hydrater. Le menton posé sur l’épaule de l’étrange guerrier qui l’avait secouru, il ne formait plus qu’une masse blanchâtre sur le dos de ce dernier. La température avait soudainement chuté au détour de la rue, alors qu’ils s’éloignaient au milieu des tourbillons de cendre. N’importe qui en les voyant aurait cru à une hallucination. On se serait d’abord demandé pourquoi ce scientifique, apparemment évanoui, avait le visage entourée par un magnifique foulard bleu aux beaux reflets or, puis on se serait posé des questions sur la silhouette massive qui le transportait. C’était un homme, jeune en apparence, de grande taille et large d’épaule. Ses cheveux sombres, longs jusqu’à sa nuque, couvraient pratiquement son visage concentré, sans parvenir pour autant à dissimuler ses yeux. Deux yeux fixés sur l’horizon. Si on avait pu s’en approcher, on aurait remarqué les deux iris concentriques de chaque œil. La plus proche de la pupille était d’une belle couleur bronze, mouvante, et l’autre d’un simple brun froid. Ses sourcils fins froncés par l’effort, l’étrange personnage remonta l’allée résidentielle avant de déposer son fardeau  sous un porche. Il respira profondément, avant de se laisser tomber aux côtés de son compagnon d’infortune. Il resta immobile si longtemps que lorsque Hiro se réveilla, il ne sentit pas du tout la présence légère de l’étranger à ses côtés. L’étoffe sur ses yeux l’aveuglait, et il entreprit de l’enlever délicatement. Il se palpa les joues, ravi de sentir la pulpe de sa chair sous ses doigts, et soupira de soulagement. Il était vivant.

- Comment te sens-tu ?

Le petit brun fit un bond en arrière, perdit l’équilibre et tomba sur le dos avec un son qui devait à l’origine être une grande inspiration mais ressemblait plus à un barrissement ridicule. L’homme face à lui haussa un sourcil. Il semblait un peu plus vieux que lui, son menton était couvert d’une légère barbe due au manque d’entretien et une longue estafilade barrait son nez. Son regard, calme et envoutant, laissa Hiro rêveur pendant un moment. Son interlocuteur se sentit obligé de reposer sa question avec une moue dubitative.

- Pardon !, tressaillit Hiro, oui ! Je crois que ça va, merci.

L’autre hocha la tête, une dague de belle taille posée sur ses genoux et se perdit dans la contemplation d’une feuille morte, à quelques mètres de là. Hiro ne remarqua que quelques instants plus tard qu’il ne connaissait pas du tout cet individu. Maudissant sa négligence, il se tendit vers le guerrier et demanda :

- Excusez-moi, mais…

- Ce n’est rien, le coupa l’étranger, tu n’étais pas si lourd que ça.

Hiro fronça les sourcils :

- Hein ?

- Tu n’as pas besoin de t’excuser.

- Vous êtes bizarre, chuchota le petit brun.

Un long silence suivit ses mots. Une fine pluie se mit à tomber et le plus vieux se redressa :

- Comment ça bizarre ?

- Qu’est-ce que j’en sais, moi !, s’écria Hiro, j’essaie juste poli et…

- Ce n’est pas très poli de dire à quelqu’un qu’il est bizarre, le coupa à nouveau le guerrier.

Le plus petit se massa les tempes en essayant de faire appel à toutes les notions de yoga qu’il connaissait. La seule qui lui revint était une position bizarre qu’il ne se sentait pas du tout d’accomplir à ce moment précis, devant cet homme qui, qu’il le veuille ou non, était vraiment très bizarre. Il décida de tout reprendre de zéro :

- Je m’appelle Hiro. Hiro Newman.

- Je suis honoré de faire ta connaissance Hiro Hiro Newman.

Cette fois le jeune scientifique se sentit obligé de prendre une grande inspiration, avant de capter le fin sourire qui creusait les joues de son vis-à-vis :

- Est-ce que vous vous moquez de moi ?!

- Oui, plus ou moins, répondit l’autre en toute franchise.

- Vous ne manquez pas d’air.

Un voile d’incompréhension passa dans le regard du guerrier, qui hésita un moment avant de dire :

- Non, non je présume que je respire plutôt bien. Tu es médecin ?

- Pas du tout, mais qu’est-ce que… Vous venez d’où déjà ?

- De l’île d’Or.

Hiro tiqua :

- C’est où ?

- Au nord d’Andul.

- Je ne connais pas cette ville, avoua le petit brun.

- C’est une petite ville, le rassura le guerrier, très près de la chaîne de montagne des Douze Lances.

Le regard suspicieux de Hiro le fit sourire, et il baissa la tête :

- Tu ne dois pas connaitre tout ça je suppose.

- Non, en effet.

Le guerrier pointa de sa dague le ciel nuageux :

- C’est par là.

Avant que Hiro ait pu lui demander des précisions, un grognement sourd les fit se lever brusquement. Il s’avança pour voir, mais le guerrier l’entraina par le poignet vers un perron, brisa la serrure avec sa dague et le jeta à l’intérieur. Hiro se recroquevilla sous une fenêtre, rejoint sous peu par son impressionnant compagnon. Ce dernier ouvrait de grands yeux inquiets, sa dague serrée dans sa main moite.

- Qu’est-ce que c’est ?, murmura Hiro.

Un coup de poing vif sur les côtes lui coupa le souffle. Son nouvel ami n’était pas seulement inquiet, il était mort de peur. Un museau grossier passa par l’entrebâillement de la porte. Le guerrier se plaqua un peu plus contre le mur, prit son foulard bleu des mains de Hiro, en enroula la pointe d’une flèche, avant de la porter à sa bouche. Le souffle bestial du monstre couvrit les murmures de l’archer. On voyait à présent presque les yeux de la créature. Deux énormes globes blancs, aveugles et laiteux. L’un des deux pendait mollement hors de son orbite, tenu par un filin de chair bleue. Son museau semblait être un mélange entre le nez d’un éléphant de mer et le groin d’un porc, en plus gluant. Il dégoulinait de bave, appâté par l’idée d’un festin. Une goutte de sueur glissa le long de la tempe du guerrier, se perdit sa barbe et tomba au sol avec un minuscule « plic ! ». Aussitôt un silence total tomba sur la maison. Avec une rapidité iréelle, l’archer se releva, son arc dans une main, la flèche enroulée dans le foulard dans l’autre :

- COURS !

Hiro tituba, contourna le canapé pour se ruer à l’étage, alors que la bête se ruait sur son compagnon qui l’esquiva habilement et encocha sa flèche. Un cri puissant gonfla la cage d’escalier :

- Brûle !

Mais rien ne se passa. Les yeux terrifiés du guerrier roulaient dans ses orbites. Le monstre sembla réfléchir un moment, puis commença à approcher d’un pas lent et mesuré.

- Brûle !

Un crépitement agita le foulard mais le silence revint immédiatement après. Le guerrier s’élança par-dessus le canapé, la bête à ses trousses. En haut des escaliers il aperçut Hiro, bataillant contre une porte qui leur barrait l’accès à l’étage supérieur. Sans réfléchir, l’étranger se retourna vers le monstre, pointa vers lui sa flèche et hurla, inflexible :

- BRULE !

La flèche fusa vers le front pustuleux de la créature et s’enflamma soudainement, dans une explosion de lumière et de chaleur qui détruisit l’escalier. Miraculeusement, les deux jeunes hommes atterrirent sur leurs pieds, à quelques pas du cadavre flambant de leur assaillant. Le foulard, intact, émit encore quelques belles flammes rougeoyantes avant de s’éteindre doucement. De la flèche, en revanche, il ne restait rien. La pointe elle-même, enfoncée dans le crâne de la bête, avait fondu à la chaleur. Hiro se laissa glisser contre un mur, alors que son compagnon s’essuyait le front. Il alla ramasser son foulard puis se laissa glisser au sol, allongé sur le dos, usé par la peur et la fatigue.

- T’es qui ?, murmura Hiro.

- Je m’appelle Artheus, répondit le guerrier.

- Et tu viens d’où ?

Artheus déglutit :

- D’un autre monde.



02/05/2013
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