Récits d'Autres Univers

Le vol de corbeaux glissa sur un courant ascendant le long de la tour. Leurs ombres, éclatées sur le sol, frémissaient sur les pavés sales et humides. Les oiseaux de malheurs firent soudain demi-tour, plongeant gracieusement vers le sol qu’ils heurtèrent avec un bruit mat. L’air, lourd, avait l’odeur de la mort. Elle vous restait dans la bouche, collait à vos vêtements, tiraillait vos bronches. Il n’y avait rien à y faire. Une camionnette fumante portant le logo du musée de cire bringuebala près des oiseaux noirs, qui s’égaillèrent brusquement et se dissipèrent dans la brume sombre de la rue. Le véhicule stoppa dans un soupir las et une ombre en descendit pour ouvrir l’arrière de la camionnette. Une file de silhouettes aux mouvements saccadés se forma dans l’ombre du soir. On n’entendait rien d’autre que les clapotis des pieds nus sur le sol. Le conducteur guida les étranges marionnettes jusqu’à un bâtiment crasseux et les fit entrer les unes après les autres. La porte se ferma dans un claquement sec, et une silhouette malhabile descendit du camion, plus lentement encore que ses congénères. Sa jambe émit un craquement sinistre, laissant une trainée de poudre blanchâtre sur le sol. Un râle à peine audible perça l’ample manteau de la poupée qui se traina jusqu’au perron de la bâtisse. A la première marche, sa jambe se brisa net, et s’écrasa au sol sans bruit. Le vent joua un instant dans sa large cape, faisant gémir les murs et les fenêtres. Un oiseau sombre passa dans le ciel, sans accorder aucune attention au corps poussiéreux gisant dans le caniveau...